Santé de la Reproduction au Mali : comment la parole et la communication transforment les mentalités et les comportements ?
L’accès à la Santé de la Reproduction constitue un problème majeur au Mali. Selon l’enquête démographique et de santé 2023 de l’Organisation Mondiale de la Santé, le pays affiche un taux de mortalité maternelle de 362 pour 100 000 naissances vivantes. Les facteurs socio-culturels et religieux persistent malgré un cadre politique et institutionnel favorable. Comme stratégie, la Communication pour le Changement Social et de Comportement (CCSC) parait déterminante pour informer, sensibiliser et augmenter la demande des services de santé de la reproduction.
Fatoumata, mère d’une fille, parle de son expérience douloureuse. « Avant d’être informée, je pensais que les complications de grossesse étaient normales. J’ai perdu un enfant au Point-G après deux fausses couches à cause du manque d’informations sur la santé reproductive », raconte-t-elle. Son mari, M. A. M., évoque leur parcours semé d’embûches lors du suivi médical au CSCOM de Koulikoro. Malgré leur assiduité, la santé de Fatoumata s’était dégradée. « À chaque consultation, la sage-femme me rassurait, mais le visage et les pieds de ma femme gonflaient », explique-t-il.
Après avoir été diagnostiquée du paludisme, la situation ne s’est pas améliorée. Un matin, constatant que tout le corps de sa femme était enflé, il l’emmène d’urgence au CSREF de Koulikoro. La gynécologue, Mme Haidara, diagnostiqua une hypertension sévère. Malheureusement, malgré ses promesses d’aide, l’état de Fatoumata se détériorait. « C’était trop tard pour agir efficacement », déplore M. A. M. Après six mois de souffrances et des dépenses dépassant 200.000 francs, ils sont évacués au Point G. Fatoumata perd la vue et doit subir une opération d’urgence. « Elle avait plus de quatre litres d’eau dans le ventre et a été placée en réanimation, mais l’enfant est décédé le lendemain », raconte son mari, accablé.
Selon Dr Wally Camara, Médecin gynécologue au sein d’une ONG à Koumantou, « les taux élevés de mortalité maternelle et infantile s’expliquent par plusieurs facteurs, notamment le retard de décision pour consulter un médecin, le mauvais diagnostic, le manque de personnel qualifié et de produits sanguins, ainsi que la pauvreté et la malnutrition ».
Influencer certaines mentalités et attitudes
Selon Dr Bourahima Camara, médecin libéral, Spécialiste en Urologie, la sensibilisation permet aux femmes de prendre conscience de leur santé et de celle de leurs enfants. Pour réduire la mortalité maternelle, il est nécessaire de faciliter l’accès aux soins, donner une responsabilité aux femmes dans la prise de décision, former le personnel, rendre les médicaments disponibles.
Pour mieux comprendre l’importance de la CCSC pour améliorer l’accès à la santé de la reproduction, nous avons rencontré Dr Coulibaly Aliou, Médecin généraliste à Ségou, engagé dans la sensibilisation pour le changement social et des comportements en santé reproductive. « La CCSC est essentielle pour changer les mentalités. Nous devons aller au-delà des simples discours et impli quer les communautés dans le processus de décision », explique-t-il avant d’ajouter que « les hommes doivent aussi comprendre leur rôle dans la santé reproductive de leur partenaire ».
Plusieurs structures dont l’Association Vision Femme, ont mis en place des programmes de Communication pour le Changement Social et de Comportement pour répondre aux besoins en santé reproductive au Mali. Sa Présidente, Mariam Kéita souligne l’importance de l’éducation, « nous organisons des séances d’éducation dans les villages, utilisant des jeux de rôles pour rendre les sujets accessibles. L’objectif est de prévenir et traiter les maladies de la santé reproductive. Les femmes manquent d’accès aux soins en raison de leur situation économique et des stéréotypes sociaux ». L’Association utilise également les tontines, les espaces culturels pour sensibiliser les femmes sur des sujets tels que l’hygiène menstruelle et la planification familiale. « Ces espaces sont devenus des lieux d’éducation et de sensibilisation », explique-t-elle.
Une approche participative et sécurisée
Malgré des progrès dans l’adhésion des femmes aux discussions sur la santé reproductive, des résistances culturelles subsistent, notamment concernant les droits des femmes. Mariam appelle les autorités et les partenaires internationaux à améliorer l’accès aux soins et à vulgariser les informations sur la santé reproductive, en insistant sur la nécessité d’espaces de confidentialité pour favoriser l’échange. Au-delà des statistiques, des initiatives locales témoignent d’un changement tangible. Dans le village de Kati, un programme de CCSC a été lancé, où les femmes se réunissent pour discuter de la planification familiale et des soins prénatals. « Nous avons créé un groupe de soutien. Nous partageons nos expériences et nous nous entraidons », raconte Aminata, une participante. Ces groupes de femmes sont des espaces de dialogue où les barrières culturelles sont brisées et où l’information circule librement. La CCSC devient ainsi un catalyseur pour le changement social.
Dans cet article, il ressort que « selon la dernière enquête démographique et de santé au Mali, seulement 10 % des jeunes (15 – 24 ans) utilisent les services de santé reproductive. Cette situation engendre de graves conséquences, notamment l’abandon scolaire des filles, le SIDA, les grossesses précoces et non intentionnelles, ou encore les violences basées sur le genre en milieu scolaire ».
Mme Diodo DIALLO, Infirmière d’Etat spécialisée en Santé Sexuelle et Reproductive
(SSR) et en Genre, Présidente de l’Association Ladamu SÔ des Adolescents et Jeunes du Mali (ALSAJ-Mali) évoque l’histoire touchante d’une jeune fille de 15 ans, qui, « grâce à une formation sur l’hygiène menstruelle, a évité un mariage précoce en s’appuyant sur les arguments d’autonomisation que nous avions développés et est désormais relais de sensibilisation dans son village. Nous passons d’une communication directive à une approche participative, où les jeunes deviennent agents du changement », a-t-elle évoqué avant de saluer les efforts du gouvernement malien pour le développement de stratégies nationales en faveur des adolescents et jeunes.
Accroitre la demande des services de santé de la reproduction
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un rapport de UNFPA Mali, publié en Décembre 2022, environ 24 % des femmes maliennes n’ont pas accès aux services de santé reproductive adéquats, surtout à la planification familiale. En outre, environ 41 % n’ont pas accès aux soins de santé modernes en général pour manque d’argent. Les conséquences sont dramatiques : taux élevé de grossesses précoces, avortements clandestins et maladies sexuellement transmissibles.
Dr Mamadou Traoré, Médecin généraliste et membre de l’Ordre des Médecins N° CNOM 067/22/D, est chargé des affaires de santé et hygiène de l’Association Malienne pour l’Engagement Citoyen (AMEC se-vacances). Il souligne que les complications telles que les grossesses non désirées, les hémorragies post-partum et les infections sexuellement transmissibles sont courantes. Dr Traoré insiste sur l’importance de briser les tabous et d’améliorer la demande des services de santé reproductive, tout en promouvant les bonnes pratiques comme les consultations prénatales et l’accouchement assisté et la communication sur la santé de la reproduction. Il plaide pour une meilleure sensibilisation, des infrastructures de qualité et une implication des communautés car « la vie d’une mère et d’un enfant n’a pas de prix ».
Albadia DICKO
Sources :
– OMS
– Dossiers médicaux
– https://commit4youngpeople.org/
Note : cet article est le fruit de recherche avec les outils OSINT à 30%, d’une enquête menée sur le terrain et des témoignages recueillis auprès de femmes et d’acteurs de la santé au Mali.
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