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Médias et Respect de la Dignité des Personnes en Situation de Handicap au Mali : La dignité humaine est sacrée !

Les médias doivent refléter la diversité et promouvoir l’inclusion et ne pas être des véhicules de stéréotypes, conformément à la Constitution malienne qui met l’accent sur la sacralité de la dignité humaine. 

Pourtant, par méconnaissance ou ignorance, de plus en plus, dans les espaces médiatiques, phénomène interroge, interpelle et soulève des questions : le traitement médiatique des personnes vivant avec un handicap, en particulier celles atteintes de déficience intellectuelle. Le couple mythique des espaces numériques, très apprécié des internautes, est sans doute « Rabana et Rama ». Invités et interviewés par des acteurs médiatiques, ce couple s’est fait une renommée sous les feux des projecteurs. Il bénéficie de sponsors publicitaires et d’autres générosités des internautes, faisant d’eux des modèles de réussite et de succès qui inspirent apparemment d’autres à inviter, dans l’espace numérique, des personnes en situation de déficience intellectuelle.

Une telle pratique pourrait être encouragée et dupliquée si les questions étaient orientées vers la promotion de la personne humaine, plutôt que de présenter la personne uniquement à travers son handicap. D’où l’interpellation aux professionnels des médias sur cette question.

Pour Modibo Fofana, président de l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali (APPEL-MALI), les personnes en situation de handicap méritent un traitement respectueux, digne et valorisant, plutôt qu’un traitement sensationnaliste dans les médias.

Ces derniers doivent contribuer à renforcer leur confiance en elles afin de les aider à surmonter les stéréotypes, a-t-il ajouté. Pour le Président d’APPEL- Mali, bien qu’il existe une certaine diversité dans les contenus diffusés sur les webs TV, il n’y a cependant pas de véritable inclusion des personnes en situation de handicap. Selon lui, ces personnes sont souvent invitées sur les plateaux non pas pour mettre en avant leurs compétences ou leurs parcours, mais surtout pour accroître la visibilité et l’audience de ces médias.

Prenant en exemple le cas du couple « Rabana et Rama », Modibo Fofana déclare qu’il a été choqué de voir des sourires moqueurs de certains animateurs, qui, selon lui, auraient pourtant dû les valoriser au lieu de les tourner en dérision. « Cela montre un manque de respect des principes fondamentaux du journalisme, notamment lorsqu’il s’agit de traiter des sujets impliquant des personnes vulnérables », a-t-il ensuite défendu.

Un sentiment partagé par Mohamed Sidibé, un enseignant en santé, qui affirme être attristé devoir que ces personnes en situation de handicap sont plus considérées « comme des sujets à ‘animer la galerie’ que des humains à considérer entièrement dans leur dignité. » Mamadou Bakayoko, promoteur de TSCOM, abonde dans le même sens. Selon lui, ces pratiques médiatiques sont dictées par l’envie de créer du buzz et d’élargir le nombre de followers, ce au détriment de l’éthique et du respect de la dignité humaine. « Je pense que les parents ont également leur part de responsabilité en acceptant de les laisser aller sur ces plateaux où les questions portent parfois atteinte à leur personnalité et à leur dignité. Du fait que cela peut les rapporter de l’argent… », a également déploré. Mamadou Bakayogo.

De son côté, Mohamed Sidibé, estime que, bien que de telles émissions génèrent des revenus, la pratique est condamnable car elle frôle un voyeurisme inacceptable.

Pour la directrice de Mandé télévision, Fadima Maïga, journaliste-animatrice, elle estime que, de manière générale, il y a un faible traitement médiatique des personnes en situation de handicap. S’agissant des apparitions médiatiques du couple « Rama et Rabana » sur des WEB TV, elle trouve également que les questions posées n’étaient pas appropriées et ne reflétaient pas l’éthique que doit avoir un journaliste. Pour elle, ces questions exposaient davantage leur handicap au lieu de mettre en avant leurs compétences. Selon elle, le handicap ne doit pas dominer la discussion afin que ces personnes en situation de handicap puissent participer à des émissions et être valorisées sans que leur handicap soit constamment mis en avant. Le Président par intérim de la Fédération malienne des associations des personnes vivant avec un handicap, également président de l’Union malienne des aveugles (UMAV), Hadji Barry, appelle à ce que toutes les publications respectent la dignité humaine, comme le stipule la Constitution, qui consacre la sacralité de la personne humaine, y compris son intimité. Aussi, M. Hadji Barry invite l’ensemble des médias à prendre en compte certaines considérations lors des interviews, afin de ne pas exploiter la déficience intellectuelle d’un individu pour poser des questions qui pourraient porter atteinte à sa dignité, surtout si la personne ne dispose pas de toute sa faculté mentale.

Mme Aïssata Diallo, directrice du centre féminin de l’Association malienne de lutte contre la déficience mentale (Amaldeme), estime qu’il est urgent de sensibiliser le public sur la question afin de préserver l’entière dignité des personnes atteintes de déficience mentale. « Juste la semaine dernière, nous en parlions lors d’un atelier. Ce sujet fait le buzz, on en rit et on minimise son impact. Il faut vraiment sensibiliser les gens et leur faire comprendre qu’on ne doit pas profiter des faiblesses des autres pour se moquer ou pour d’autres fins. Ces questions que l’on pose, si on les posait à quelqu’un qui n’a pas de problème, on sait bien que la réponse serait tout autre. Pour moi, il est essentiel de mener des sensibilisations sur la question, notamment à travers les prêches, les médias et d’autres canaux ».

Pour les autres intervenants, la solution passe par la formation aux règles professionnelles du journalisme, notamment celle des jeunes créateurs de contenus sur le traitement médiatique des personnes vulnérables afin d’éviter les nombreux dérapages observés.

Khadydiatou SANOGO

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED

 

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