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EXPLOITATION RESPONSABLE DES RICHESSES MINIERES : le Mali, vers un équilibre économique

Le Mali, fort de son sous-sol exceptionnel, se trouve à un tournant historique. Pays d’or, de lithium et de fer, il cherche à transformer ses richesses minières en un moteur de développement durable et équitable. Cependant, la question essentielle demeure : comment exploiter sans épuiser, et partager sans dilapider ?

Avec une production d’or représentant plus de 80 % de ses exportations et environ 6 % de son PIB national, le secteur minier est le pilier sur lequel repose une grande partie de l’économie malienne. En 2023, le pays a produit près de 70 tonnes d’or, principalement grâce aux mines industrielles de Loulo et Sadiola, mais également via une exploitation artisanale qui, bien que largement répandue, pose des défis en matière de régulation et de sécurité.

Deuxième producteur d’or d’Afrique de l’Ouest après le Ghana, le Mali tire plus de 70 % de ses recettes d’exportation du secteur aurifère. Selon les données du ministère des Mines, plus d’une dizaine de sociétés opèrent sur le territoire, tandis que de nouveaux permis d’exploration concernent le lithium, la bauxite et le fer.

Pour l’économiste malien Dr. Issa Traoré, spécialiste des politiques extractives, « le Mali ne doit plus se contenter d’exporter ses minerais bruts. La transformation locale est la clé pour créer des emplois, stabiliser l’économie et réduire la dépendance extérieure. »

A noter que l’or n’est pas la seule richesse du Mali. Le pays possède également d’autres ressources prometteuses, telles que le lithium, le fer, le manganèse et l’uranium. Ces ressources, en particulier le lithium, sont essentielles à la transition énergétique mondiale, notamment pour la production de batteries pour véhicules électriques. Le gouvernement malien a donc clairement exprimé sa volonté de diversifier son économie en développant ces secteurs miniers moins exploités.

Le Mali a inauguré dimanche 15 décembre 2024 sa première mine de lithium à Goulamina. Alors que les autorités s’attendent à des revenus de plus de 100 milliards FCFA par an, cette manne financière pourrait être plus importante grâce à la promotion de la transformation locale de ce métal.

Les revenus attendus par le gouvernement malien se composent de dividendes, au titre de sa participation de 30 % dans la mine, de diverses taxes, et d’une redevance minière sur la valeur de la production de lithium. Selon le décret d’application du code minier de 2024, “cette redevance est fixée à un taux minimum de 5 % avec une augmentation progressive jusqu’à 9,5 % en fonction des prix du concentré de lithium sur le marché mondial.”

Cependant, cette répartition ne tient pas compte des revenus générés sur les autres maillons de la chaîne de valeur du lithium, notamment la commercialisation du produit transformé, et la production de batteries électriques.

Un Nouveau Code Minier pour Renforcer la Souveraineté Économique

Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique, a adopté en 2023 un nouveau code minier, complété en mars 2025 par une réforme fiscale visant à maximiser les bénéfices de son secteur minier. Celui-ci représente 10 % du PIB et 30 % des recettes budgétaires. Cela a marqué un tournant important dans la gestion des ressources minérales du Mali. Ce code accorde à l’État une plus grande part dans les projets miniers, ce qui représente une avancée significative vers une meilleure souveraineté économique. En favorisant une répartition plus équitable des bénéfices, le gouvernement entend non seulement renforcer ses finances publiques, mais aussi garantir que les communautés locales bénéficient directement des richesses extraites de leur sol.

Malgré les avancées réalisées, le secteur minier malien fait face à des défis majeurs qui compromettent son développement durable. L’insécurité persistante, alimentée par des groupes armés dans certaines régions, complique les opérations minières et effraie les investisseurs. Parallèlement, l’exploitation informelle, qui échappe à toute régulation, constitue un véritable fléau pour l’économie formelle et a des répercussions considérables sur l’environnement.

L’orpaillage, en particulier, génère un impact environnemental majeur, se manifestant principalement par deux aspects : la déforestation et la pollution. La destruction des forêts entraîne des conséquences dévastatrices, telles que la perte d’habitats pour la faune, qui peut aboutir à la migration ou à la disparition de certaines espèces animales. Cette déforestation entraîne également la disparition d’espèces d’arbres essentielles à l’homme, dégrade les sols et contribue à la désertification des zones touchées.

La pollution des eaux et des sols est une autre conséquence alarmante des activités d’orpaillage. L’utilisation de produits chimiques, notamment le mercure, contamine les ressources en eau, les plantes et les animaux, mettant ainsi en danger la santé des populations locales. De plus, la surpopulation autour des sites d’orpaillage engendre une pollution de l’air, aggravant les problèmes de santé publique.

Les effets négatifs de l’industrie minière, tant sur le plan économique qu’environnemental et social, affectent profondément la vie des communautés locales. Ces dernières doivent faire face à une dégradation de leur cadre de vie et à une diminution de leurs ressources naturelles, ce qui souligne l’urgence d’une réflexion sur des pratiques plus durables.

Dans ce contexte, les zones minières du Mali doivent se fixer des objectifs clairs pour préserver l’environnement, le patrimoine culturel et favoriser le développement communautaire. Parmi ces objectifs, on peut citer :

– Accroître la productivité grâce au renforcement des capacités des acteurs ;

– Atténuer la vulnérabilité socio-économique des communautés locales ;

– Renforcer la résilience des acteurs face aux impacts de l’implantation des industries minières ;

– Améliorer la conservation de la biodiversité et réduire la dégradation de l’environnement.

Il est impératif que ces objectifs soient intégrés dans une stratégie globale de gestion des ressources minières, afin de garantir un avenir durable pour les générations futures et de protéger les écosystèmes maliens. L’engagement de tous les acteurs, y compris les autorités gouvernementales, les entreprises et les communautés locales, est important pour relever ce défi environnemental majeur. Pour Fatoumata Cissé, ingénieure en géologie et consultante dans le secteur minier, « l’exploitation responsable passe par un contrôle strict des pratiques, la remise en état des sites et la participation effective des communautés locales aux bénéfices générés. »

Un modèle de gouvernance à construire

Malgré ces obstacles, les perspectives demeurent encourageantes. Le Mali a l’opportunité de se positionner comme un acteur non négligeable en Afrique dans le domaine des métaux stratégiques. L’extraction et la transformation de ressources comme le lithium pourraient non seulement créer des emplois, mais également stimuler l’innovation et attirer des investissements étrangers.

Pour que cela se réalise, le Mali doit mettre en place des politiques claires et transparentes qui favorisent un développement minier responsable et durable. Cela inclut le renforcement des capacités institutionnelles pour réguler le secteur, la promotion de l’exploitation artisanale sécurisée et respectueuse de l’environnement, ainsi que l’établissement de partenariats équitables avec les entreprises étrangères.

Les économistes restent prudents. « Le Mali doit trouver un équilibre entre attractivité pour les investisseurs et souveraineté nationale, » explique le Pr. Abdoulaye Doumbia, enseignant-chercheur en économie à l’Université de Bamako.

Selon lui, la transparence dans la signature des contrats miniers et la publication des revenus tirés des ressources naturelles sont essentielles pour restaurer la confiance entre l’État, les compagnies et les citoyens.

Des initiatives locales émergent également : certaines communes minières, comme celles de Kéniéba ou Yanfolila, investissent leurs redevances dans les infrastructures, la santé ou l’éducation. Ces exemples montrent qu’un développement inclusif est possible lorsque la gestion des ressources est partagée et planifiée.

Les perspectives d’un avenir durable

À long terme, le défi majeur du Mali reste la diversification de son économie minière. La dépendance à l’or expose le pays aux aléas du marché mondial, alors que d’autres ressources comme le fer, le phosphate ou le lithium peuvent offrir une stabilité à moyen terme.

Le secteur privé plaide pour une collaboration renforcée avec les institutions publiques. « Les investisseurs sont prêts à s’engager sur des projets à long terme, mais ils demandent une stabilité réglementaire et des garanties sur la sécurité des zones minières, » souligne Moussa Konaté, directeur d’une société minière nationale.

Les ressources minières du Mali représentent une opportunité historique pour bâtir un avenir prospère. Mais cet avenir dépendra de la capacité du pays à concilier exploitation économique, justice sociale et préservation de l’environnement.

Comme le résume l’économiste Dr. Issa Traoré :« Le Mali ne doit pas seulement extraire son or, il doit extraire de la valeur, du savoir-faire et de la dignité pour ses citoyens. »

C’est à ce prix que le pays pourra réellement trouver l’équilibre entre richesse et responsabilité, et faire de ses mines non pas une malédiction, mais un levier de développement souverain et durable.

Assa BADIALLO

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